Imaginez que vous voulez acheter une maison. Vous avez déjà fait toutes les réflexions nécessaires, vous avez une solide assise financière, et vous vous rendez dans une banque pour contracter une hypothèque. Mais le personnel de banque vous répond qu’il ne peut malheureusement pas donner suite à votre demande. Le système externe qui est utilisé pour contrôler votre solvabilité atteste en effet que votre cote de crédit («credit score») n’est pas suffisante. Même si vous êtes en mesure de montrer, sur la base des données de la banque dont vous disposez, que vous bénéficiez en réalité d’une très bonne solvabilité, cette hypothèque ne vous sera pas accordée.

Un scénario de ce genre pourrait déjà se produire actuellement puisque des systèmes de prise de décision automatisée basés sur des données sont déjà utilisés dans certains secteurs économiques. En Allemagne, par exemple, la SCHUFA (Association de protection pour l’assurance générale de crédit) utilise déjà un système ADM («automated decision making») qui détermine la solvabilité des citoyennes et citoyens allemands. Ce qui démontre clairement qu’aujourd’hui déjà, les algorithmes ont une influence directe sur notre vie.

Changement de perspective au sein de l’espace numérique suisse de formation: les services numériques sont également de plus en plus utilisés dans le cadre de la complexité fédérale. Des applications d’apprentissage ainsi que des supports de cours et d’apprentissage génèrent et rassemblent des données sur l’enseignement et l’apprentissage dans des écoles, ainsi que sur les habitudes de comportement des élèves et du corps enseignant. En règle générale, ces données restent chez les prestataires. Sans tomber dans un alarmisme excessif, le fait qu’à un moment donné, dans un proche avenir, mon cursus de formation personnel dépendra de systèmes de prise de décision automatisés, ou qu’il sera influencé par ces derniers, peut parfaitement devenir une réalité.

Dans ce contexte toujours plus numérisé, et donc toujours plus basé sur des données, il ne faut pas seulement fixer des conditions-cadres organisationnelles, techniques et juridiques, mais aussi éthiques. Une première mesure à réaliser, déjà connue dans d’autres branches économiques, pourrait consister à définir des orientations éthiques fondamentales pour l’espace numérique suisse de formation et à les faire valoir à l’échelle nationale. Ces orientations éthiques fondamentales aideraient le système éducatif à utiliser les systèmes basés sur les données et l'utilisation des données en général de manière éthique. Cela inciterait le marché de la formation à développer des services et des systèmes éthiquement corrects.

Déterminer quelles orientations éthiques fondamentales doivent être obligatoirement respectées est un objectif qui doit faire partie d’un débat de grande ampleur à lancer au sein de l’espace numérique suisse de formation. Un débat qui devra impliquer également toutes les parties prenantes. C'est la seule façon de garantir la prise en compte de tous les besoins des multiples couches de ce paysage hétérogène de la formation. Nous avons déjà donné le coup d’envoi à ce débat en 2019 avec le rapport «Données dans l'éducation – Données pour l'éducation». Il est temps que nous le poursuivions!

Cet article est paru pour la première fois dans notre rapport annuel 2021.

Auteur

Articles associés

Des connaissances variées grâce à des exemples de la pratique

Dans le cadre du développement d'une politique d'utilisation des données, nous avons mis en place un programme pour les projets d'utilisation des données. Notre accompagnement méthodologique de différents projets dans le domaine de la formation nous a permis de recueillir de nombreuses informations sur les potentiels et les défis liés à l'utilisation des données.

Switch Cloud: souveraineté numérique pour les hautes écoles

Notre partenaire Switch montre comment la recherche et l’enseignement peuvent conserver le contrôle de leurs données tout en tirant parti des avantages des technologies cloud. En effet, pour protéger les données sensibles et préserver l'indépendance numérique, il faut disposer d'une infrastructure fiable, contrôlable et personnalisable.

L'éthique comme boussole pour une utilisation consciente des données

Les progrès technologiques élargissent sans cesse les possibilités de traitement des données et génèrent de nouvelles applications et prestations. Cela ouvre des opportunités, mais ébranle également les valeurs existantes. L'éthique numérique offre une orientation – elle interroge sur ce qui est bon et juste dans l'utilisation des données.

Étude «Second Source»

L'étude commandée par l'Administration numérique suisse présente la situation actuelle de l'administration publique en ce qui concerne l'utilisation de solutions logicielles et de services propriétaires – notamment Microsoft 365 – et indique les mesures permettant de minimiser les risques.